Pourquoi la fondue Bacchus ne s’est-elle pas appelée tout simplement fondue Vaudoise ou fondue Bâloise ?
Bien avant la naissance des Bourguignonne, Chinoise et autres Bressane puis des fondues de tout crin, à une époque où les appellations locales étaient toutes à prendre, cela eut été facile !
Ses parents étant l’un Bâlois, l’autre Vaudois ( rien à voir avec Federer et Wavrinka ) et étant née tout en vin, ils décidèrent de la nommer comme son dieu de référence = Bacchus, dieu romain du vin et des plaisirs.
Un nom prédestiné, au regard du plaisir qu’elle apporta à trois générations de convives heureux.
Mais comment avait-elle vu le jour ?
Sa marraine, surnommée « la Grande Muette » n’en parla bien sûr jamais.
C’est pourtant auprès d’elle qu’elle naquit, durant les derniers jours du deuxième grand conflit mondial.
Ses parents, affairés à donner le meilleur d’eux-mêmes aux hommes de leur troupe, la conçurent un jour où leur garde-manger, d’habitude si vide, fut enfin rempli par les Autorités désireuses d’éteindre les velléités de retour prématuré au foyer, après six ans de restrictions dont certains de nos parents ou grands-parents ont encore souvenir.
La difficile reprise de la vie civile après tant de soubresauts fit que ce n’est qu’en 1953, après plusieurs demandes pressantes de ceux qui la connaissaient déjà qu’elle fut présentée au monde dans le modeste écrin professionnel de ces deux parents.
Aujourd’hui, nous continuons à vous la proposer au Restaurant du Léman de Lutry telle qu’à ses débuts, sans jamais baisser la garde de la qualité, avec cette présentation qui, à elle seule, remplit l’adage qui veut qu’on mange d’abord avec les yeux.
Et ceci, dans un cadre comme il en reste peu : chaleureux et empreint de souvenirs et d’histoire si ce n’est d’Histoire.
La recette, qui a ajouté la 4ème génération aux précédentes, ne compte pas en rester là !!
A ses débuts, réservée à quelques privilégiés en uniforme, cette toute première fondue de viande n’a jamais consenti à baisser la garde et le niveau de ses composants.
Toujours faite de viande de veau, elle n’en prend que les morceaux les plus tendres pour les cuire dans un bouillon à base de vin blanc et condimenté.
Son accompagnement de prédilection est la Pomme de terre Viennoise : pomme de terre cuite au four très chaud, puis évidée, et dont la pulpe est travaillée avec du beurre et du fromage. Ce mélange retrouve ensuite la coque de la pomme de terre qui passe au four de nouveau pour être gratinée.
Le commentaire le plus fréquent de cette 4ème génération est : « C’est une tuerie !! ».
Les six sauces qui accompagnent sont faites sur une base de mayonnaise dont la recette est connue de tous, puis retravaillées chacune selon ses ingrédients afin d’en assurer la légèreté. Constamment modifiées avec l’évolution des goûts, l’actuelle plébiscitée prend à la cuisine péruvienne sa recette où intervient le piment jaune « aji amarillo » qui chauffe juste ce qu’il faut les papilles.
Ce plat ne se veut pas plaisir gustatif solitaire mais au contraire partage et trait d’union entre les générations, les amitiés, les collègues.
Dans le monde actuel, quoi de mieux.
La rumeur prétend que même les inimitiés n’y résistent pas !!